15 juillet 2022 : Bénin : la « néo-négritude » pensée par sœur Angéline Chabi, docteure en langue et littérature françaises

Portrait 

Le 4 juillet a eu lieu à Lille Grand Palais la « Cérémonie des docteurs » des promotions 2020 et 2021 de l’Université de Lille. Sœur Angéline Chabi, religieuse béninoise, membre de la congrégation des Filles de la charité du Sacré-Cœur de Jésus (Fcscj) faisait partie de ces nouveaux docteurs, avec sa thèse en langue et littérature françaises défendue en 2020.

C’est en 2010, quatre ans après sa profession religieuse, dans la congrégation des Filles de la charité du Sacré-Cœur de Jésus (Fcscj), que sœur Angéline Chabi s’est engagée dans les études universitaires en lettres. « Dans la vie religieuse, on ne choisit pas sa mission ; on la reçoit de sa supérieure hiérarchique », précise-t-elle. La religieuse, qui était alors professeure des écoles à Athiémé, dans le sud-ouest du Bénin, accueille avec plaisir cette nouvelle mission. « Entre la langue française et moi, il existe une histoire semblable à celle de Roméo et Juliette », sourit-elle.

Après l’obtention, à l’Université d’Abomey-Calavi (Sud-Bénin), d’une maîtrise et d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en grammaire et stylistique françaises respectivement en 2015 et 2016, elle rejoint l’Université de Lille où, au bout de quatre ans de recherches, elle soutient, le 30 juin 2020, sa thèse de doctorat en langue et littérature françaises option littérature francophone, gratifiée d’un accord de publication en plus des félicitations du jury.

« C’était un grand soulagement et surtout, beaucoup d’émotions vu que la soutenance a eu lieu en plein confinement, avec un public presque inexistant, raconte-t-elle. J’ai dû, après la délibération, m’applaudir moi-même, soutenue par les membres du jury ».

« Néo-négritude »

Les travaux de la sœur Chabi ont porté sur les « violences historique, politique et esthétique chez Raharimanana et Patrice Nganang », deux auteurs que rien ne semble lier, le premier étant de Madagascar et le second, du Cameroun. « Pour comprendre alors l’enjeu de ce rapprochement, il faudra aller au-delà des frontières apparentes qui les éloignent l’un de l’autre et questionner leur double histoire : celle qui est la leur, en tant qu’individu, mais aussi et surtout, celle de leurs pays respectifs », explique sœur Chabi.

Elle démontre que le passé colonial des deux pays dont ils sont originaires constitue le « terreau qui nourrit l’imaginaire de ces deux écrivains dont le rapport à l’écriture pose des difficultés épistémologiques qui mettent en conflit littérature et histoire, en faisant se confondre, philosophie et sociologie ».

Aux yeux de sœur Chabi, l’enjeu de cette thèse réside dans le fait qu’« elle aborde le concept de la néonégritude en élucidant la poétique des écrivains francophones de la jeune génération, leur rapport à l’histoire et à la littérature en même temps qu’elle scrute la déroutante question du pouvoir et de la violence qui dépasse d’ailleurs le cadre littéraire ». Et d’ajouter : « En Afrique, et même dans la vie religieuse, nous avons besoin d’évangéliser notre conception du pouvoir qui, selon Hannah Arendt, ne saurait se confondre à la violence ».

« J’ai toujours rêvé d’une vie toute donnée aux autres »

Interrogée à propos de son choix de congrégation religieuse, sœur Chabi explique qu’en réalité, elle avait « toujours rêvé d’une vie toute donnée aux autres, surtout aux faibles, aux pauvres et aux tout-petits ». Alors qu’en 2002, jeune bachelière, elle recherchait le chemin où le Seigneur l’appelait, elle fait la découverte, dans un livre, de la spiritualité des Filles de la charité du Sacré-Cœur de Jésus : « La spiritualité du Cœur ouvert qui se penche vers les pauvres et les petits ». « Depuis lors, relate la religieuse, j’ai comme un amour jaloux pour mon institut. Plus qu’un nom, être Fille de la charité du Sacré-Cœur de Jésus est pour moi un programme de vie ».

Juste Hlannon (à Cotonou)